PIÈCE DE THÉATRE

Ayant été membre d’une troupe de théâtre de 2004 à 2012, et par ailleurs, amoureux de la poésie, j’ai souhaité marier ces deux passions.

C’est ainsi, après deux mois de travail intermittent (devant également assurer ma vie professionnelle diurne et mon rôle de père), que j'achevai d’écrire ma première pièce de théâtre intitulée « Le pari des anges », le 1er novembre 2013.

Le corps du message de cette pièce repose sur la filiation et la transmission. Mais au-delà du message, la forme retenue pour cette pièce est empreinte d’une certaine folie. Une folie stylistique.

En effet, les 80 pages composant cette pièce sont toutes composées de rimes, non pas à chaque alexandrin, mais à chaque hémistiche ! Je vous invite donc à lire l’extrait ci-dessous pour vous rendre compte de cette particularité.

« Le pari des anges »

Extrait

« (…)

Rama : J’espère qu’avec le bac on trouvera un métier.

Djibril : Bosse plutôt ta rédac et arrête de rêver.

Josué : Nos parents ont vécu dans un monde d’insouciance. Une époque disparue, tombée en déshérence. Ils eurent les trente glorieuses et les cœurs en partance et lèguent les trente piteuses et un virus qui danse.

Rama : C’est le sens de l’histoire mon très cher Josué. Ils virent un bel espoir et puis furent rattrapés.

Djibril : Mais rattrapés par quoi ?

Rama : Par de nouvelles lois (…). »

 

Et pour vous permettre d’apprécier plus longuement cette création unique, voici trois scènes, extraites respectivement des actes I, II et III de cette pièce. Editeurs, professeurs de théâtre, professeurs de français, comédiens… n’hésitez pas à me contacter (jocelyn@unbrindepoesie.fr) si vous souhaitez vous procurer un exemplaire de cette pièce.

 

Salle à manger (Mani, Madeleine)

Madeleine : Peux-tu récupérer notre petit Josué en début de soirée et ensuite le laver ?

Mani : J’ai une grande virée au bar de l’Atelier avec moult invités plus ou moins déguisés !

Madeleine : Encore un abandon !

Mani : Je te demande pardon !

Madeleine : Encore quelques jupons !

Mani : Vous êtes mes seules passions !

Madeleine : Quand penseras-tu à nous ?

Mani : Je pense à vous chaque jour !

Madeleine : Et chaque nuit ?

Mani : J’avoue…Je vous aime tous les jours.

Madeleine : Ferme ta grande gueule Mani ! Tes absences vont me tuer. Tu n’ crois pas en la vie, ni en notre Josué. Chasse donc toute ta folie, prends le risque d’aimer.

Mani : J’aime le monde de la nuit, tu n’ peux m’en empêcher.

Madeleine : Tu veux tout conjurer, ton sort et ton malheur en voulant tout baiser tu en oublies ton cœur. Je veux bien croire en toi mais sans toute ta confiance je peux faire une croix sur notre moindre chance.

Mani : Tu n’as donc rien compris, je suis un grand barman, apôtre du martini et du groupe Ottawan.  J’enflamme toute la salle, tous les clients rigolent, et les jambes se décroisent quand les platines s’affolent. Tes journées sont austères ponctuées de gens sinistres qui soulèvent la poussière par leurs regards tristes.

Madeleine : Cesse donc ton parti pris,  mon métier me passionne, nous offrons un sursis quand le hasard assomme. Et puis nous savons rire, loin du superficiel, nous offrons le sourire, allons à l’essentiel.

Mani : Tu pisses dans un violon ma bien pauvre petite ! Je connais la passion, tu vis dans le mérite.

Madeleine : Arrête donc ton cynisme, nous sommes devenus parents, le véritable charisme revient toujours aux grands. D’un gamin de la rue, d’un gamin du disco, tu possèdes tous les crus, tu possèdes tous les maux.

Mani : Serait-ce mes origines qui te posent un problème ?

Madeleine : Tu n’ perçois pas les signes que lentement j’essaime. Je me fous royalement que tu sois sans diplôme. Il n’y a pas seul’ment toi, il y a maint’nant ton môme !

Mani : Je n’ai même pas vingt ans sans Père pour me conduire, comment penses-tu vraiment que je puisse m’en sortir ? Je n’ai rien à transmettre à ce frêle nourrisson, peut-être le goût d’ la fête, les bouquets de houblons ?

Madeleine : Tu es trop ténébreux et puis tu me fais peur.

Mani : Je suis un homme heureux n’ayant aucun Seigneur. Il y a parfois la mort qui soudain me rappelle, au détour d’un remord, au détour d’un appel.

Le téléphone sonne.

Madeleine : Tu ne vas pas oser ?

Mani : Tu as peur de quoi ?

Madeleine : Que tu refuses de vivre !

Mani répond au téléphone.

Mani : Mani au téléphone… Bonsoir Monsieur Larois ! Que j’ vous ramène le livre. Je vous l’amène de suite.  Merci pour votre appel.

Mani raccroche le téléphone.

Madeleine : Tu te prépares une cuite ou bien une nouvelle pelle ?

Mani : Comm’ tu deviens jalouse quand je rends un service. (ironique)

Madeleine :  Elle porte peut-être une blouse pour mieux assoir tes vices ? Un jour ou l’autre j’espère, tu cesseras de nous fuir.

Mani : Laisse-moi vivr’ de ma chair et écrire mes souvenirs.

Mani quitte la pièce, colérique. Madeleine pleure.

Noir.

Cri de Josué.

Garage de Taibo devant un établi.

(Taibo, Josué)

Taibo :   Voilà mon lieu d’travail et ton terrain de jeu, chaque outil, chaque détail m’empêche d’être gâteux. Une place pour chaque chose et chaque chose a sa place, dans les pétales d’une rose se cachent la dédicace.

Josué : La dédicace de quoi ? Que veux-tu dire Papi ?

Taibo : Qu’il faut suivre les pas du cher Fibonacci. Prends donc de la hauteur face à chaque événement et tu verras l’ampleur de notre firmament. Les chiffres nous gouvernent, cachés dans les détails, nos sens ne discernent qu’un monde en pleine pagaille. Il faut prendre le temps de lire entre les lignes, il faut entendr’ ces gens qui nous donnent des signes. Léonard de Vinci, Euclide ou bien Turing, des personnes de génie qui éclairent nos plannings. Je suis électricien depuis plus de trente ans, j’ai bâti de mes mains tellement de filaments. Je peux te l’assurer mon très cher petit fils, pour voir la vérité des lumières fondatrices, il faut de la sagesse, accepter la souffrance, recueillir les faiblesses mêlées à nos errances.

Josué : Je ne comprends plus rien, qui sont donc ces auteurs ?

Taibo : Des mathématiciens… pères des ordinateurs…

Josué : Je n’suis pas encore prêt pour cette révolution et pour te dire le vrai je me pose une question. Comment vient la lumière ?

Taibo : Avec l’interrupteur ! (Rires).

Josué : Et une prise de Terre ?

Taibo : Reliée à un Conteur ! (Rires).

Josué : Taibo, Papi chéri, tu es un Père pour moi. Tu remplaces Mani, m’aiguilles dans tous mes choix. Comment pourrai-je un jour te rendre cette affection ?

Taibo : En donnant à ton tour les lois des filiations. Nous sommes juste des messages dans tout cet univers, enveloppes de passage, bouffées d’une atmosphère. N’oublie jamais ces noms que nous v’nons d’échanger, demain ils rapprocheront le futur au passé.

Noir.

(Rama, Djibril, Katell, Josué, Jasmine)

Terrasse en bord de Seine dans le XIIIème

Rama :  Katell ! Jasmine ! Josué ! Djibril ! Comment ça va ?

Katell : Les anciens du lycée sont tous fiers d’être là.

Rama : Le Batofar est loin, ça fait déjà dix ans mais demeure cet entrain du haut de nos trente ans.

Alors les amoureux, toujours aussi heureux ? Pour ma part j’viens d’trouver un bien joli repaire, un appart’ à sous louer au bout d’ la rue Molière. Un vrai p’tit nid douillet pour une belle entreprise…

(Il regarde avec malice Katell et Jasmine).

Jasmine : Sans vouloir te vexer, nous deux sommes toujours prises.

Rama : Voilà bien mon malheur, quand vais-je trouver l’âme sœur ?

Katell : Arrête donc de chercher et cesse de te mentir. A trop collectionner, on risque de se trahir. Tu papillonnes souvent, t’attaches à une plastique. Les filles cherchent engag’ment et instants excentriques.

Rama : Et au niveau boulot, ça marche toujours pour vous ?

Josué : Ce n’est pas un fardeau, un plaisir un peu fou. Je rédige des contrats à longueur de journée et manie quelques lois des probabilités. Il y a même des ingé’ qui travaillent sur des stat’ parvenant à cerner une partition des actes.

Djibril : Ne sois pas obsédé par cette grande suite de nombres. Il faut savoir laisser sa place à la part d’ombre. Tu es trop habité par les mots de Taibo, il faut tirer un trait sur le zéro défaut. Les questions sans réponse sont les trésors de l’homme, il faut que tu renonces à la beauté en somme.

(...)

Noir.